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La Suisse a besoin de l’italianità 

21.08.2017

Le Nouvelliste, 21.8.2017

 

Candidat à la succession Burkhalter, le PLR tessinois Ignazio Cassis livre sa vision du monde

 PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTIANE IMSAND

Le tempo s’accélère. Le 20 septembre, l’Assemblée fédérale élira le successeur de Didier Burkhalter au Conseil fédéral. Le Tessinois Ignazio Cassis a été le premier à se lancer dans la course. Il fait figure de favori face à ses deux concurrents, la Vaudoise Isabelle Moret et le Genevois Pierre Maudet. La pression va crescendo, mais le candidat du sud des Alpes reste serein. Médecin de formation, il explique comment son expérience politique l’a radicalisé. Interview.

Le Conseil fédéral semble à votre portée. Est-ce votre rêve de toujours ?

Pas du tout. La vie m’a emmené là où le cœur me portait. J’ai étudié la médecine par curiosité pour le fonctionnement du corps humain. Mon objectif était d’ouvrir un cabinet d’otorhinolaryngologie à Lugano, mais l’épidémie de Sida qui sévissait alors m’a poussé à me spécialiser dans la médecine sociale et préventive. Devenu médecin cantonal, je me suis retrouvé dans un interface entre la médecine et la politique, ce qui m’a conduit au PLR puis au Conseil national.

Professionnellement, vous présidez la nouvelle organisation faîtière des assureurs curafutura. Cette proximité avec les assureurs vous est reprochée par la gauche. Vous défendez des intérêts particuliers ?

Dans un parlement de milice, l’activité politique est accessoire et comme médecin j’ai toujours travaillé dans la santé. Tout d’abord comme médecin, puis comme vice-président de la FMH, et aujourd’hui comme président dans le domaine de l’assurance-maladie (curafutura) et dans celui des homes (CURAVIVA Suisse). Cela me donne une vision complète du système de santé. Les quatre caisses maladie qui ont décidé de sortir de la faîtière santésuisse et de créer curafutura veulent améliorer la collaboration avec médecins et hôpitaux. L’objectif commun, inscrit dans la loi, est de garantir l’accès de la population à des soins de bonne qualité à des prix raisonnables. Curafutura a par exemple soutenu l’intervention du Conseil fédéral dans Tarmed pour diminuer la pression des primes sur les assurés.

Vous pensez qu’on vous fait un faux procès ?

Les gens sont libres d’exprimer leur opinion.

Vous êtes en concurrence avec deux PLR romands. Pourquoi l’Assemblée fédérale devrait-elle vous choisir ?

Mon bagage politique repose non seulement sur mes connaissances et ma méthode de travail, mais aussi sur une capacité de conduite reconnue. Je dirige entre outre le groupe parlementaire PLR. Par ailleurs, je connais bien la Suisse. J’ai vécu 7 ans à Zurich, 3 ans et demi à Lausanne. Je ne parle pas seulement allemand et français, mais je connais aussi la culture que ces langues incarnent. Enfin, je représente la Suisse de langue italienne qui devrait aussi avoir une place au gouvernement.  A 56 ans, je suis plein d’énergie et enthousiaste à l’idée de pouvoir me consacrer entièrement à cette fonction.

Doris Leuthard est sur le départ. Il n’y aura bientôt plus qu’une femme au Conseil fédéral. Un parti gouvernemental qui dispose de deux sièges n’a-t-il pas le devoir de faire élire une femme?

Tous les partis ont le devoir de promouvoir un équilibre entre les deux sexes. Le Parlement doit faire une pesée d’intérêt entre plusieurs critères, comme aussi celui de la représentation des régions linguistiques.

Si le genre ne suffit pas à justifier une candidature, l’origine ne le peut pas non plus…

Ni le genre, ni l’origine, ne peuvent justifier à eux seuls une candidature. Ce sont d’abord les compétences qui importent. L’équilibre des langues au Conseil fédéral est cependant fixé dans notre Constitution et cela fait 18 ans qu’il n’y a plus de culture italienne au gouvernement.

Le Tessin a-t-il besoin d’un conseiller fédéral ?

La question ne se pose pas au niveau cantonal mais au niveau national. Le Tessin n’a pas davantage de droits que Schwyz qui n’a jamais eu de conseiller fédéral. Par contre les langues devraient être représentées. La Suisse a besoin de « l’italianità » pour être la Suisse.

En tant que candidat au Conseil fédéral, de quelle Suisse rêvez-vous ?

Je rêve d’une Suisse interconnectée avec le reste de la planète pour les échanges commerciaux mais capable de préserver ses valeurs et sa souveraineté. A la fin de la période d’euphorie de la globalisation qui a caractérisé les années 90, nous avons retrouvé un besoin d’enracinement, d’appartenance à un territoire. Je souhaite une Suisse dans laquelle les citoyens se demandent ce qu’ils peuvent faire pour l’Etat plutôt que ce que l’Etat peut faire pour eux.

Cela fait de vous un libéral. Dans tous les domaines ?

Le libéralisme est ma façon de voir le monde. Sur le plan de l’économie, j’estime qu’il faut laisser autant de liberté que possible aux entreprises tout en exigeant d’elles une éthique de la responsabilité. Sur le plan sociétal, je suis très ouvert. Chacun doit pouvoir vivre sa vie comme il l’entend. Je pense aussi que la politique de la drogue doit évoluer vers une politique cohérente des substances psycho-actives.  Il faut cesser de pratiquer la politique de l’autruche. Depuis la nuit des temps, toute société est confrontée à ces substances. Un régime de régulation permettrait de prohiber la vente aux mineurs et de soumettre à conditions la vente aux adultes.

Vous avez dit que la liberté était une valeur plus importante que la santé. Une affirmation étonnante de la part d’un médecin…

J’ai mis du temps à comprendre que la liberté est la condition d'une vie complète et du développement des progrès de l'humanité. C’est la politique qui m’a conduit à cette conclusion. Je suis toujours prêt à certaines limitations comme par exemple le port de la ceinture de sécurité, mais on ne peut pas protéger l’individu contre tous les risques de la vie, sans restreindre sa liberté.

Comment se traduit cette vision dans votre positionnement politique ?  

Dans le domaine de la politique sociale, il s’agit de mettre au centre l’individu de manière qu’il puisse assumer la responsabilité et se préparer à ses besoins futurs. L’Etat social ne peut pas être la réponse à tous les problèmes. Je suis prêt à me battre pour l’égalité des chances des mineurs : l’Etat doit investir dans la formation et créer les conditions cadres pour que ces jeunes, une fois adultes, soient capables de marcher sur leurs jambes.

La politique repose sur l’art du compromis. Dans la prévoyance vieillesse, vous avez défendu une ligne dure…

Il n’y a pas vraiment eu de possibilité de compromis. La majorité a consenti un compromis à l’intérieur de sa propre coalition, mais elle n’a jamais cherché une solution avec l’autre partie du parlement. Constatant cela, je suis resté sur la même ligne jusqu’au bout.

Didier Burkhalter va quitter le Département des affaires étrangères. Il laisse un chantier inachevé en matière de politique européenne. Comment aller de l’avant?

Je veux poursuivre la voie bilatérale et régler nos relations avec l’UE de manière stable. Nous avons besoin pour cela d’un accord qui simplifie la bureaucratie et fixe les règles décisionnelles en cas de désaccord. Mais je ne veux pas d’une intégration automatique du droit européen, ni de juges étrangers qui décident comment interpréter le droit en Suisse. Cependant il faut pouvoir régler les contentieux, p. ex. à l’aide d’un tribunal arbitral mixte. Mais pas de précipitation: laissons-nous le temps d’observer l’évolution de l’UE et de chercher le meilleur mécanisme. 

Votre itinéraire vous prédestine davantage au Département de l’intérieur qu’aux affaires étrangères…

Je n’aurais aucune marge de manœuvre dans le choix du département. Il est vrai que je connais bien le monde de la santé, mais ma curiosité intellectuelle est intacte. Je pourrais me passionner pour n’importe quel autre domaine. 

Bio Express

Age

56 ans

Formation

Médecin

Profession

1996-2008 médecin cantonal TI

2008-2012 vice-président de la FMH

Dès 2013 président de Curafutura

Politique

Conseiller national depuis 2007

Président du groupe PLR

Président de la commission de la sécurité sociale et de la santé publique

Etat-civil



Marié sans enfant

Autori

Ignazio Cassis

Ignazio Cassis