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Je comprends les différentes cultures suisses

22.08.2017

L’illustré, 22.8.2017

L’Assemblée fédérale désignera le 20 septembre le prochain conseiller fédéral. Qui du Tessinois Ignazio Cassis, du Genevois Pierre Maudet ou de la Vaudoise Isabelle Moret succédera à Didier Burkhalter? L’illustré est allé questionner leur motivation, leur demandant ce qu'ils pensent pouvoir apporter au Conseil fédéral? Ignazio Cassis répond le premier.

Par Yan Pauchard 

Politicien expérimenté et grand favori de l’élection, le médecin tessinois Ignazio Cassis, 56 ans, porte les espoirs des italophones de retrouver un représentant au gouvernement.

Comment vit-on dans la peau du favori?

C’est flatteur, mais c’est aussi prenant, parce qu’il y a beaucoup d’attention sur vous. La pression médiatique est énorme.

Quand avez-vous pris la décision de vous lancer dans la course?

Je n’ai pas eu beaucoup de temps. Deux heures après la démission de Didier Burkhalter, les médias avaient déjà avancé mon nom. J’ai dû rapidement me positionner. J’ai pris trois semaines pour y réfléchir. D’un côté, il y avait la crainte de perdre une certaine liberté – fini d’aller au concert en short! – et l’impact sur ma vie privée. De l’autre, il y avait l’amour de ce pays, l’envie de pouvoir influer sur son futur et ce sens des responsabilités qui m’avait déjà motivé à devenir officier dans l’armée. Après réflexions et discussions avec mon épouse, je me suis lancé.

La possibilité de redonner un siège au Tessin a-t-elle pesé dans votre choix?

Oui. Mais permettez-moi de préciser. En parlant toujours du «Tessin», on réduit la question à un problème cantonal. Alors qu’il s’agit ici d’un problème suisse. Le Tessin n’a pas davantage le droit à un conseiller fédéral que Zurich. Mais les gens de culture et de langue italiennes – la moitié d’entre eux vivent ailleurs qu’au Tessin ou aux Grisons – ont le droit d’avoir une représentation dans la plus haute instance du pays, absente depuis dix-huit ans. Il y a un sentiment d’abandon qui s’est développé au sein de cette troisième Suisse.

Au-delà de la question régionale, quel est votre principal atout?

Outre ma large expérience politique et professionnelle, je connais et comprends les différentes cultures de la Suisse. Je suis Tessinois, j’ai vécu à Zurich et à Lausanne, où je me suis marié. J’ai d’ailleurs toujours le livret de famille vert avec le poème de Ramuz…

Vous avez été critiqué pour vos liens avec des assureurs maladie…

Je préside notamment l’association Curafutura, qui réunit quatre assureurs maladie. Nous sommes un parlement de milice, où l’activité politique est accessoire. En tant que médecin, je travaille dans le milieu de la santé. J’ai occupé de nombreux postes: médecin cantonal, vice-président de la Fédération des médecins suisses (FMH) et je préside l’association suisse des institutions sociales (Curaviva Suisse). Toutes ces fonctions m’ont permis de développer de bonnes compétences et d’amener au Parlement un savoir précieux. Enfin, si les caisses maladie ne suscitent pas un amour immodéré parmi la population, elles n’en restent pas moins des acteurs centraux de notre système, dont le rôle a été confirmé à plusieurs reprises par le peuple dans les urnes.

Quels sont les principaux enjeux qui attendent notre pays?

Je les résumerais en trois mots clés: liberté, cohésion et innovation. La liberté, d’abord, car contrairement à ce que l’on croit, elle n’est pas donnée une fois pour toutes. Elle doit retrouver sa place en Suisse, qui connaît une phase de régulation excessive, où on produit chaque semaine des centaines de pages de règlements, de lois et d’ordonnances. Pourquoi autant? Elles ont un coût financier et déresponsabilisent les individus. La cohésion, ensuite, qui passe par exemple par le fédéralisme et l’intégration des régions et des langues au sein du gouvernement. L’innovation, enfin, car nous sommes, après quarante ans de croissance économique, face à des défis incroyables comme la numérisation, qui est en train de transformer notre manière de travailler et de vivre. Nous devons permettre à la population d’acquérir les outils pour faire face au progrès.

S’il y avait une question urgente à traiter au gouvernement, quelle serait-elle?

Il est urgent que nous régularisions nos rapports avec l’Union européenne. Notre pays, qui gagne un franc sur deux avec ses exportations, a besoin de rapports commerciaux stables avec l’étranger et en particulier le marché UE, avec ses 500 millions de consommateurs. Une autre question urgente concerne les retraites. C’est un enjeu central, car il détermine le revenu d’une personne sur trente ans. Mais il faut regarder la réalité en face. Dans un monde où l’on vit de plus en plus vieux et en meilleure santé, on ne peut pas imaginer laisser le seuil entre actifs et passifs, donc entre donneurs et receveurs, au même niveau. Sinon il y aura un moment où tout le système s’effondrera. Et ce sont nos enfants qui en paieront le prix.

Comment voyez-vous la Suisse dans vingt ans?



Je vois une Suisse forte et prospère. La population ressent des inquiétudes. Le monde change, mais nous avons toujours su faire face aux différentes évolutions. Notre pays est solide, innovant, en tête de nombreux classements internationaux. Nous devons nous montrer courageux, prendre nos responsabilités et nous demander chaque matin ce que nous pouvons faire pour notre pays. C’est ainsi qu’on gardera la liberté et la prospérité.

Autori

Ignazio Cassis

Ignazio Cassis