L'appel des alpages
Cette excursion devrait être entreprise lorsque les prés sont en fleurs et que, sur les alpages, les troupeaux paissent parmi les taches colorées qui se déplacent avec eux.
Il n'y a pas que la flore qui soit admirable au cours de cette promenade dans le val Onsernone: il y a Comologno avec ses toits qui, vus de haut, paraissent construits pour encadrer le paysage de la vallée, à la fois proche et lointaine; avec une virtuosité de maître ils encadrent le centre pittoresque d'un village: ils arrivent exactement à la hauteur d'un pic, de sorte que celui-ci apparaît comme le prolongement élégant et naturel d'une corniche, ils laissent en bonne place sur le fond un clocher dont ils augmentent, sans le forcer, le relief.
Il y a, plus haut, les Monti di Ligünc que l'on a comparés, à cause de leur structure particulière, aux villages tibétains: les terrasses de bois, qui s'offrent au soleil et se protègent des vents, sont peintes par le temps qui en a saisi toute l'importance. Ici on a su allier le caractère pratique et l'usage équilibré du matériel choisi (qu'on prenne garde alors, et à Ligünc aussi, au danger des restaurations qui, avec la tentation du confort, prennent davantage que leur dû à l'authenticité, avec des résultats tristement désavoués par les comparaisons possibles).
Il y a également les alpes Salei et Pesced, où l'on pratique encore l'élevage qui a ici une certaine importance et une signification à une époque qui compte trop d'alpages négligés et abandonnés: et l'on se réjouit donc, une fois arrivé à Salei et Pesced, de pouvoir admirer une tradition continuée là-haut avec toutes ses règles, ses obligations, sa production. Voilà pourquoi cette excursion propose, à la montée, le détour par Salei et au retour, la descente par Pesced, qui montrent une activité devenue désormais une curiosité.
Il y a, le long du parcours, des hêtres, des sapins et des mélèzes qui filtrent la lumière et la laissent doucement tomber comme un pollen, sur le parcours qui se poursuit dans le silence: un silence qui isole et protège, mais aussi une présence qui écarte toute frontière et laisse entrevoir des visions dont la réalité appartient à un monde à découvrir. Ce sont là les rencontres d'où naissent les moments qui donneront à l'excursion ses lettres de noblesse: la rencontre du soleil qui descend le long du sentier même, d'une source qui jaillit des racines d'un aulne, d'un pin dessiné par la foudre, d'un roc sur lequel l'ombre, en se déplaçant, abandonne les lichens, du soir enfin qui monte comme poussé par un vent sorti soudain du fond de la vallée.
L'alpe Salei, autrefois appelée Lavadina comme la vallée qui descend vers Comologno, avant même que par les sonnailles, par une plaine qui a un ciel personnel: un ciel posé sur toute sa largeur et qui rend les nuages plus petits et moins rapides. Le lac, lui, est annoncé plus haut par les pierrailles, les rhododendrons et les marmottes qui scrutent les alentours comme si elles voulaient proclamer, en jouant les humains devant tout le rose de la terre sorti de ces rhododendrons, que ce sont elles qui les ont cultivés. Dans le lac le gris a des reflets qui, agités, approchent l'indigo à une profondeur où le vert ne peut déjà plus vivre, mais autour du lac, c'est justement le vert qui triomphe entre les rochers et le contraste le fait presque retenir. C'est pourquoi on croirait entendre, en une correspondance admirable, l'écho peint, répété par les montagnes qui s'élèvent tout à l'entour et qui va finir dans l'eau que, désormais trop faible, il ne peut plus faire frissonner.