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15 Orsino, Orsirora, Valletta

Hauteur: 388 m
Durée: 3:30 heures

Le plaisir des rencontres

Le barrage du Lucendro, en début de promenade, semble avoir été érigé afin de servir de contraste, par sa berge de béton, avec les rives naturelles qui se trouveront le long du parcours et qui commencent avec celles du premier petit lac que l'on rencontre, après avoir grimpé à travers des constructions (dans l'une d'elles l'eau sourd après un long parcours dans l'obscurité et blanchit d'un coup dans une lumière trop forte) et des rochers dont l'on dirait qu'ils viennent de tomber (c'est comme si on sentait l'odeur âcre de poussière et de brûlé de l'impact).

Le premier lac, c'est l'Orsino, dont les rives, d'un côté, sont formées de pierres et de l'autre couvertes d'herbes. Il semble se pousser vers le bas, comme s'il se sentait attiré par le décor, désormais touristique, du Col du Saint-Gothard qui, doté comme il l'est maintenant de routes et de commodités, ne fera certainement plus dire à la duchesse de Devonshire que là "l'horreur même a ses charmes". Il suffirait dès lors d'une légère augmentation du volume de l'Orsino pour le faire déborder et le transformer en cascade. Pour l'heure il est là, tranquille et sans rides, au milieu des rochers qui protègent du vent, pour le conserver intégralement doux, son plan d'eau sur lequel se fondent les cercles concentriques laissés par les truites et les insectes, comme s'ils comprenaient leur importunité. Ils abandonnent alors à sa tranquille douceur la teinte de l'Orsino qui, là où l'eau occupe de minuscules golfes, se révèle plus intensément bleue et paraît une eau libre et insoluble versée dans une autre eau, indépendante de la première - en revanche, la cabane de l'alpe est éloignée du lac: volontairement écartée pour ne pas en troubler l'image solitaire que l'arnica, dans sa période de floraison, cherche à orner de sa couleur jaune un rien exotique.

Vu d'en haut, l'Orsino semble plus grand, et plus grand aussi apparaît le premier des lacs d'Orsirora dont la couleur est celle de l'herbe qui pousse parmi ses méandres et passe du vert trop chargé au vert à peine esquissé; pour faire place à cette herbe le lac se retire dans la vallée qui lui appartient et s'allonge comme un serpent au point de devenir une rivière et puis subitement s'arrête, comme s'il avait compris que son caractère et son rôle ont été trahis.

En revanche le second Orsirora ne trahit ni son rôle, ni son caractère, car, magnifique, il resplendit dans le bleu de sa transparence sous laquelle les rochers ressemblent à des objets de musée placés sous de liquides vitrines.
Le calme de ce lac est tel qu'il adoucit même le paysage qui lui sert de cadre, éloignant les pics aux angles trop nerveux et les crêtes aux anfractuosités trop mouvementées.

Un lieu de grande, très grande paix, qui permet de suivre, en harmonie avec cette paix, la vie de l'Orsirora Supérieur: l'eau qui presse doucement contre les rives pour chercher de l'espace; le frétillement des poissons qui transforment la tonalité de la surface (comme si un jet de lumière y était lancé); les oiseaux qui frôlent l'eau et donnent l'impression d'être sortis, trop rapidement, de cette eau sur laquelle même un cri d'oiseau semble devoir laisser une trace (le vent, en l'effleurant, la rend au contraire, en apparence du moins, tout de suite plus froide).

Si l'Orsirora Supérieur est un lac calme, le premier des Valletta que l'on rencontre le long du parcours est aimable, fait à la mesure de l'homme; on le comprend aussitôt même s'il est admiré par un énorme rocher avec lequel l'aire du petit lac ne peut pas ne pas être confrontée (mais le fait d'être minuscule ne l'empêche pas d'avoir son delta et d'accueillir des reflets, fugaces, de nuages ou, persistants, de neige qui pourraient être pris pour ceux de paresseuses nuées dispersées).

Le second Valletta, alimenté par le premier, doit être admiré de haut pour que l'on puisse en cueillir toutes les variations chromatiques qui vont du bleu ciel mêlé d'un peu de noir, à l'argent strié de veines d'émeraude; du gris qui par instants imite en son centre l'or, au vert qui jette dans les vagues des poignées d'herbe et les étend, sur l'eau, comme pour les faire sécher.

Sur le trajet, véritable promenade pour familles, et qui offre un plaisir incessant fait de rencontres avec une nature fascinante et variée, on trouve ensuite un lac sans nom qui est comme une piscine entourée d'une natte de mousse bariolée par une imagination qui crée, d'heure en heure, un mélange harmonieux ou bigarré, vif ou ténu, chaud ou pâlichon (à quelques mètres de ce lac il y a la possibilité de revoir le premier Orsirora qui, vu d'en haut, apparaît comme tout strié de blanc dans sa transparence: une trame régulière et submergée, qui l'allonge encore dans sa forme irrégulière et sauvage, et ne se laisse pas prendre par l'envie d'apparaître pittoresque).

On arrive enfin au Lac du Lucendro et l'on pense au temps où il n'était pas encore voué à l'électricité, quand (c'était en 1912) Maria Luisa Pometti le décrivait ainsi: "Le petit Lac du Lucendro était tout entouré de montagnes couvertes de neige sur lesquelles le soleil semblait avoir jeté une poignée de topazes, d'améthystes et de rubis; autour du lac, du vert, du vert, du vert en un grand nombre de gradations très belles, et sur les bords de l'eau, abandonnée entre deux poteaux, dormait une misérable barque".
La barque n'y est plus. Il y a maintenant un barrage qui, au retour de l'excursion, paraît encore plus grand.